Bonjour la communauté : photos prises à Balaruc-les Bains le 11 et 15 Août 2019
Les Joutes Languedociennes sont très populaires sur les côtes méditerranéennes entre Béziers et Montpellier. C'est une sorte d'adaptation aquatique des tournois de nos chevaliers médiévaux. On en trouve des représentations autour de la méditerranée dans l’Égypte ancienne, la Grèce, la Sicile, mais il semble que l'aspect ludique et sportif ait été mis au goût du jour sur les côtes Languedociennes par des croisés attendant leur embarquement pour la Terre Sainte.
Les fiers destriers sont remplacés par des barques lourdes aménagées d'une plate forme en porte à faux à l'arrière de la poupe.
Un peu de vocabulaire :
Les deux grosses poutres obliques d'environ 8m s'appellent les bigues.
Leurs extrémités sont passées sous une traverse métallique logée sous le banc arrière des rameurs et elles reposent ensuite sur une pièce de renfort consolidant le plat bord de la poupe. Dans la catégorie des « lourds » les bigues peuvent avoir à supporter jusqu'à 6 jouteurs voisinant chacun le quintal, il vaut mieux que ce soit du solide.
Le jouteur en concours se place sur la petite plate-forme d'extrémité, la tintaine, à 2 ou 3m au dessus de l'eau, ceux en attente s'assoient sur les marches intermédiaires. Les petits taquets sur la bigue de gauche (sur la photo) servent au jouteur à caler l'extrémité de sa lance dans les manœuvres d'approche (il m'a semblé qu'il n'y a pas de jouteur gaucher, tous les croisements se font par la droite).
Les barques de la Société des Jouteurs Balarucois sont propulsées par 8 rameurs et dirigée par un « timonier patron ». La proue accueille traditionnellement 2 musiciens : un hautbois « champêtre » du Languedoc et un « tambornet » qui donnent la cadence aux rameurs.
Un détail pour les marins :
Les avirons sont frappés sur la plat-bord par un tolet simple et une estrope. C'est rudimentaire mais, à mon avis, ça permet de pouvoir rabattre les avirons complètement le long de la barque pendant les croisements qui se font quasiment bord à bord.
Le tournois commence par le défilé des jouteurs qui arrivent jusqu'à la tribune officielle, à côté du ponton d'embarquement.
Les préparatifs se font sous l'oeil de Monsieur le président de la société organisatrice...
..qui a mis sa belle cravate blanche pour la circonstance.
Bien-sûr, la peña est là pour faire patienter le public avant le début du spectacle.
Elle continuera de ponctuer le déroulement des joutes.
Un deuxième jury s'installe en face de celui de la tribune officielle. Les jouteurs sont sous haute surveillance car il y a de nombreuses règles à respecter qui peuvent être disqualifiantes.
Les barques se mettent en place, prêtes pour le départ, ils y a une bleue et une rouge mais aucune notion d'équipe. La joute est un sport individuel. L'ordre des passages est tiré au sort à l'avance et au gré des chutes chacun rencontre un adversaire qu'il n'a pas choisi.
Quelquefois (barques trop éloignées ou autres raisons qui me sont restées mystérieuses) le croisement ne donne lieu qu'à un salut cordial et fraternel.
Il faut aussi vérifier si les tintaines sont à la même hauteur, il faut donc que les barques soient chargées d'un même poids.
D'où un incessant ballet de nacelles (petits bateaux à fond plat) pour amener à bord de nouveaux jouteurs, des lances et des pavois (c'est le nom des lourds boucliers de bois 40 x 70cm).
Quand enfin tout est prêt, les timoniers patrons se signalent mutuellement le moment du départ.
C'est l'élancement :
Puis l'engagement, où chacun doit venir loger l'extrémité ferrée de sa lance en bois dans la partie autorisée du pavois de son adversaire.
Les lances portent des repères de couleur. Le jouteur rouge ci-dessous a laissé filer sa lance pour amortir le choc en dépassant « la garde » (sa main se retrouve sur la partie blanche). Il écopera d'un avertissement, 2 avertissements valent une disqualification.
Le jouteur doit également maintenir l'encoche de son pavois au niveau de sa cuisse dans une position de fente avant sinon il risque de recevoir une observation, préliminaire à un avertissement.
Facile à dire, ensuite, il faut tenir … ou lâcher prise, d'où de beaux instantanés aux acrobaties improbables :
toute chute est évidemment disqualifiante.
Aux premiers tours du tournois, il faut envoyer au bouillon 3 adversaires de suite pour être qualifié et participer ensuite à la revanche : pas facile.
Ces deux là, qui s'offrent un « bouquet » (une chute simultanée), seront tous les deux disqualifiés.
Ça n'a pas l'air d'avoir entamé leur bonne humeur et leur bonne entente.
Pour l'essentiel des concurrents, on pourrait plagier Gabriel Garcia Màrquez et intituler les joutes « Chroniques d'une baignade annoncée ».
Les qualifiés du premier tour s'affronteront ensuite lors de la « revanche » jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un.
Celui qui aura su resté sec sera déclaré vainqueur du tournois et cela peut prendre plusieurs heures… Il vaut donc mieux s'installer confortablement pour le spectacle.
Tout le monde se retrouvera ensuite à la buvette, incontournable instrument budgétaire pour les finances des Sociétés de Joutes.
Et on commentera à loisir les points acquis par les jouteurs et on pronostiquera les classements futurs dans les différents championnats et coupes qui continueront jusqu'à la fin de l'été.
Ça y est, c'est fini tout ce bazar ? Je vais enfin pouvoir retrouver mon perchoir favori !
Bye Bye